Thursday, 12 June 2008

Western dailies on Romania: anti-Basescu putsch (Apr 26, 2007)

Apr 26, 2007 (Financial Times and Le Temps)


‘Le Temps’ reads: “Romanian President impeachment: Ion Iliescu’s second putsch”. ‘Financial Times’: “(…) Most of the parties involved are fronts for cartels led by speculative capitalists whose grip on power and wealth was threatened by President Traian Basescu's reforms, especially in the justice sector.”

See below the pro-Basescu selected texts from ‘Financial Times’ and ‘Le Temps’.



Financial Times, April 26 2007:

“Dubious Eastern practices take hold in EU”


By Tom Gallagher

“From Prof Tom Gallagher.

Sir, Guy Burrow, the consultant who characterised the power struggle in Bucharest as a "stupid dispute between the president and the prime minister", ought to think again ("Romanian parliament suspends president', April 20). Most of the parties involved are fronts for cartels led by speculative capitalists whose grip on power and wealth was threatened by President Traian Basescu's reforms, especially in the justice sector.

President Basescu is a populist but he confronted this oligarchy at no small risk to himself. If they (i.e. the oligarchs) clean up and Romania's courts fall under their influence once more, then no foreign investment is safe if western businessmen cross local interests. The pusillanimous attitude of the European Union as, one by one, its main reformist allies are hung out to dry in Bucharest should shatter illusions that it can be a white knight able to enforce fair play. Romania is turning into a bazaar in which retrograde eastern practices are being imported into the heart of the EU. If I were Vladimir Putin, I would waste no more time and submit Russia's application to join forthwith.


Tom Gallagher,

Department of Peace Studies, University of Bradford, Bradford, W Yorkshire 8D7 1DP, UK”




Le Temps, April 24:

“Suspension du président en Roumanie: le deuxième putsch d'Ion Iliescu”


Gérard Delaloye, Historien, journaliste, résidant à Bucarest

"La crise politique qui ronge la Roumanie depuis l'élection présidentielle de 2004 s'intensifie avec l'éviction du président par un parlement aux pouvoirs exorbitants, directement hérités du régime communiste. La décision du parlement roumain de suspendre le président Traian Basescu de ses fonctions vient de donner un coup d'accélérateur à la crise politique qui ronge le pays depuis la dernière élection présidentielle de décembre 2004. Le 20 mai prochain, les électeurs confirmeront ou non cette décision par un vote référendaire prévu par la constitution. En l'état actuel, il est probable qu'ils apporteront un soutien massif à un président très populaire, populiste même, fort habile dans l'art de se donner le beau rôle face à une classe politique décriée.

Capitaine de la marine marchande sous le régime Ceausescu, Basescu (56 ans) s'est lancé dans la politique dès le lendemain de la prétendue Révolution de 1989. Ministre des transports, il rompt rapidement avec le «néocommunisme» du président Ion Iliescu, le nouvel homme fort. La victoire de l'opposition en 1996 le ramène au Ministère des transports pour quatre ans. En juin 2000, Basescu réussit un grand coup politique en raflant la mairie de Bucarest. Mais Ion Iliescu gagne les législatives et la présidentielle quelques mois plus tard.

Ce n'est qu'en décembre 2004 que Basescu, à la tête d'une coalition réunissant son Parti Démocrate (alors membre de l'Internationale socialiste!) et le Parti National Libéral, remporte de justesse l'élection présidentielle. Ce succès, il le doit à un vaste réflexe du type «Tout sauf Iliescu et sa bande de corrompus» plus qu'à une adhésion programmatique. (…) Mais l'homme est sympathique, souriant, primesautier. Son franc-parler goguenard réjouit une population assourdie par un demi-siècle de langue de bois. Pendant des mois, son taux de popularité flirte avec des sommets dignes du Mont-Blanc.

Mais ce tableau idyllique repose sur de profonds malentendus. Le plus grave est l'absence d'une majorité parlementaire. C'est en effet le Parti social-démocrate d'Iliescu qui a gagné les législatives. Pour gouverner, Basescu et sa coalition démocrate-libérale ont dû composer avec deux petits partis noyautés jusqu'à l'os par des apparatchiks de l'époque Ceausescu. Pis même, l'alliance entre démocrates et libéraux ne reposait au départ sur aucune convergence concrète autre que la conquête du pouvoir. Les démocrates sont issus d'une couche d'apparatchiks provinciaux relookés en réformistes, mais attentifs à leurs intérêts de caste. Les libéraux jouent quant à eux la carte du capital mondialisé et représentent les intérêts de certains groupes transnationaux qui s'intéressent aux richesses naturelles du pays et tentent de relancer ses industries de transformation. Mittal s'est intéressé à la sidérurgie roumaine bien avant de tourner ses regards vers Arcelor. Quant à l'appareil d'Etat, il est toujours, à tous ses échelons, très largement sous la coupe du PSD, désormais dirigé par Mircea Geoana.

Tel un funambule se déplaçant sur un câble tiraillé de tous côtés, Traian Basescu aura donc tenu pendant un peu plus de deux ans. Mais cette fois-ci avec un actif non négligeable. La finalisation de la négociation européenne avec l'entrée du pays dans l'UE en janvier dernier a été accompagnée par d'importantes mesures contre la corruption, par la création d'une agence pour l'intégrité destinée à vérifier le cursus des élus et hauts fonctionnaires, par la publication d'un important rapport sur le passé communiste du pays, par la nomination à des postes clés de personnalités intègres, par une reprise en main de l'appareil judiciaire.

Paradoxalement, c'est l'entrée de la Roumanie dans l'UE qui exacerba les oppositions anti-Basescu comme si, soudainement libérées, les énergies balkanico-orientales pouvaient enfin donner libre cours à leurs pulsions. Janvier était à peine commencé qu'une proche du président accusait le premier ministre de favoritisme pour avoir demandé à Basescu de freiner une enquête ouverte contre le roi du pétrole, Dinu Patriciu, un oligarque accusé d'escroquerie et fraude fiscale. Dix jours plus tard, le PSD annonçait le lancement de la procédure d'impeachment.

Le journal Cotidianul a raconté en détail le cheminement de ce projet. C'est l'ancien président Ion Iliescu qui en a eu l'idée. Iliescu, on le sait désormais grâce aux archives soviétiques, réussit en décembre 1989 à camoufler un vulgaire putsch en révolution démocratique. Maître incontesté du pays de 1989 à 2004, il n'aurait jamais imaginé devoir un jour rendre pénalement compte de son action. Or en novembre dernier, comme la justice le serrait d'un peu trop près pour son rôle dans les fameuses «minériades» (mise à sac de la capitale par des ouvriers amenés de la province ayant provoqué des dizaines de morts en 1990 et 1991), il décide de réagir et aurait, selon Cotidianul, convaincu ses successeurs à la tête du PSD de jouer à fond la destitution. De prime abord réticent en raison de la minceur du dossier, Mircea Geoana se serait laissé convaincre et aurait ensuite entraîné les nombreux ennemis du chef de l'Etat. Le réquisitoire pour «violation de la Constitution» fut dressé par une commission ad hoc et soumis pour avis à la Cour constitutionnelle. Cet avis, négatif, fut délibérément ignoré par des députés imbus de leur pouvoir qui, le 19 avril, votèrent l'impeachment à trois contre un.

Pour la deuxième fois, Ion Iliescu, devenu sénateur, avait déboulonné un président roumain.

Au-delà de ces péripéties chaotiques, fumeuses, byzantines de la vie politique d'une démocratie qui tente vaille que vaille de croître en un terrain infertile encore pourri par les scories de la dictature se pose pour la Roumanie (et au-delà pour l'Ukraine qui connaît une crise similaire) la question constitutionnelle. En 1990, le putschiste Iliescu s'est taillé une constitution à la mesure de son ambition en s'inspirant de la France, où le président pense et le premier ministre exécute. Mais cela ne marche qu'à la condition que le premier ministre soit à la botte du président. En Roumanie, ce fut le cas pendant la première législature de la nouvelle République (1992-1996), quand le pays fut dirigé par le tandem Iliescu-Vacaroiu. Ensuite les choses se compliquèrent, mettant en évidence une carence fondamentale, l'absence de répartition claire et nette des pouvoirs entre les deux têtes de l'exécutif.

Même dans une démocratie vieille et policée comme la France, instaurer la cohabitation ne fut pas une mince affaire. On se souvient des tensions qui marquèrent l'arrivée du gouvernement Chirac sous la présidence Mitterrand en mars 1986. La classe politique roumaine n'ayant pas encore atteint ce degré de maturité, elle ne pourra s'épargner une révision drastique de la constitution sauf à plonger le pays dans l'anarchie ou la dictature.

Par ailleurs, la crise actuelle repose aussi sur les pouvoirs exorbitants des parlementaires, députés et sénateurs. Le système électoral, directement inspiré du régime communiste, est basé sur le scrutin de liste à la proportionnelle où les élus sont désignés par les partis, non par les électeurs. En quinze ans s'est ainsi créée une autocratie parlementaire obéissant à ses propres intérêts quand elle ne sert pas servilement ceux des oligarques, ses commanditaires.

Le seul rayon de soleil dans cet affligeant tableau est la bonne tenue de l'économie grâce à la mondialisation, qui impose ses propres exigences au-delà des vicissitudes politiques locales. La croissance est toujours soutenue, la monnaie se renforce, les investisseurs étrangers rassurés par la caution européenne ne boudent pas. Les crédits de soutien accordés par l'UE, même s'ils ne seront pas à la hauteur des 32 milliards d'euros sur six ans prévus, apporteront de toute manière un immense ballon d'oxygène.

Cerise sur le gâteau, le pouvoir d'achat de la classe moyenne est lui aussi à la hausse: à peine ouverte, la succursale IKEA de Bucarest a été proprement dévalisée en quelques jours par une clientèle pressée de rejoindre les standards occidentaux. C'est dire que les gens suivent d'un œil distrait, voire dégoûté, des vicissitudes politiques dont ils perçoivent peu l'enjeu."



'Financial Times' and 'Le Temps'

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